Enfants de la Vienne, jeunes Ponticauds, Nous sommes les fils de cette race fière, campés sur les bords de la belle rivière.
Malgré notre télévision , notre frigo , notre salle de bain , sommes nous plus heureux aujourd'hui ?
Et bien non ! car lors de nos rencontres avec les ponticauds , tous ont encore la nostalgie de ce quartier des ponts et du Masgoulet.
Ces réflexions pleines de mélancolie de Raymond Dardillac sont partagées par tous ceux qui sont nés ou qui un jour ont vécu dans ce quartier , entre le bar du poisson soleil et le pont neuf. Ils les partagent et refusent que la grande gomme du temps qui passe efface à jamais ce que fut leur vie.
Bar Restaurant du Poisson Soleil célèbre entre-autres, pour ses fritures de poissons.
Au poisson Soleil, archives municipales 20Fi165
Sur cette photographie, Assis à coté de l'homme à la casquette, et en vétements clairs, c'est le jeune Jacques COMBEAU, qui écrira plus tard l'ouvrage ci-dessous. On est là de l'autre coté de la Vienne, rive opposée au Port de Naveix, et on distingue parafaitement la grande cheminée de l'Usine électrique, la Cathédrale, et bien sûr les nombreuses barques à fonds plats qui garnissaient le paysage de cette époque.
Les souvenirs ce n'est pas ce qui manque aux Ponticauds.
Volontiers frondeurs et grandes gueules , les ponticauds entretenaient , avec une certaine jubilation , cette réputation qui faisait frémir les jeunes filles et gronder les garçons .
Le coeur aussi grand que la gueule , la solidarité n'était pas un vain mot le long de la vienne.
Si la formule " si tu sei d'au pount passo , si tu n'in sei pas , a l'aigo " si tu es des ponts passes , si tu n'en ai pas , à l'eau , effrayait le bourgeois , elle faisait bien rire le populo. Car en effet , on jouait beaucoup avec l'eau mais entre ponticauds lors des fêtes , nombreuses sur les bords de vienne.
On s'y jetait aussi pour sauver le maladroit qui y glissait . Le sauvetage était la chose la plus naturelle qui soit.
Beaucoup de ponticauds étaient aussi pécheurs un peu particulier.....Certains les appelaient les clandestins ou les ravageurs , parce que leurs méthodes de péche n'étaient pas tout à fait "catholique" et les mailles du filet bien trop serrées.
Quelques pècheurs près du grand ramier au début du 20° siècle. Grand ramier qui servait à arréter le bois flottant sur la vienne.
Les ponticauds chantaient admirablement .
Grands amateurs d'opéra et d'opérettes , les gars des ponts ne rataient aucune représentation du cirque théâtre et ils avaient la dent dure ! Le pére jeammot , le patron de la célèbre " crotte de poule " pittoresque auberge du port du naveix , ne manquait jamais une occasion de pousser la chansonnette pour ses clients.(Allez à la page " PORT du NAVEIX " pour la Crotte de Poule)
Devant la célèbre auberge.
L'Université Populaire
Le quartier savait aussi se cultiver , l' université populaire Saint Etienne a vu défiler entre ses murs de nombreux conférenciers et la salle était trés attentive. Le docteur de Léobardie y venait en sabots parler de la silicose qui faisait des ravages chez les ouvriers de la porcelaine.
Un des petits métiers qu'exerçaient également nos ponticauds consistait a arracher le sable du fond de la rivière pour en faire commerce.
Michel Colombeau refait le geste des anciens.
C'était un joli sable lavé , pur et trés recherché par les entrepreneurs du bâtiment .
Munis d'une drague percée pour laisser échapper l'eau et équipée d'un long manche flexible , ils projetaient celle ci dans la rivière pour l'enfoncer dans le banc de sable. Il fallait une certaine force et une grande habitude pour sortir la drague de l'eau .
Ce sable se vendait bien et ne restait pas longtemps sur le carreau du port du naveix.
Sous l'oeil du photographe des habitants posent pour la postérité.
Qui dans Limoges , quelles que soient les années n'a pas reçu le conseil de ne pas se rendre , surtout la nuit , dans les rues du quartier des ponts.
Eh oui , nous avions une trés mauvaise réputation de voyous , nous les jeunes ponticauds. Cette renomée , peu brillante , doit remonter assez loin dans le passé , car le vieux dicton qui ferait jeter a l'eau celui qui ne serait pas des ponts , avait sans toute contribué a forger la réputation des habitants des lieux.
Cette rumeur était bien sûr sans fondement . Il est certain que nous jouions les gros bras , et ceux d'entre nous qui étaient les plus costauds profitaient de leur carrure pour impressionner l'adversaire dans les bals ou ailleurs , mais au fond d'eux mêmes ils n'avaient pas du tout envie de se confronter avec leurs semblables.
C'était une façon de procéder et qui marchait . Pas de blousons de cuir , de chaînes , d'agressions , de vols ! rien qui aurait pu attirer l'attention sur nous.
La police n'ayant rien a se mettre sous la dent occupait son temps a traquer les fauteurs de peccadilles de toutes sortes . prenons par exemple cette descente de police dans le Masgoulet ou quelques jeunes ont été embarqués. ( je cite ) Absent de la maison a ce moment là , une convocation me demandait de me rendre au commissariat. Une enquête avait été ouverte pour connaître les casseurs d'ampoules de lampadaires de la rue et des environs. Aucun d'entre nous n'était le coupable , mais ce qui est encore plus sûr , c'est qu'aucun d'entre nous n'a tenu le rôle de mouchard.
Il y avait aussi les bals , ceux qu'on ne fréquentait pas , type fils a papa , tel " le faisan " . Notre préference se portait sur les parquets salon comme le " moulin rouge " ou " le bal des étoiles " où nous étions plus a l'aise. La plupart du temps l'entrée était gratuite pour nous , car nous forcions le passage et les patrons fermaient les yeux par crainte d'esclandre. Au contraire , c'était eux qui nous invitaient à condition d'être là dès l'ouverture surtout quand ils étaient en concurrence avec d'autres bals.
cette période un peu mouvementée des années 50 a laissé place , par la suite , à des activités plus calmes .
Avec la disparition du quartier , les habitants ont été dans leur grande majorité relogés a Beaublanc . Beaucoup ont eu du mal à s'adapter . Ils ont été déracinés de leur millieu , je dirais presque de leur culture , car la vie des ponts était tout autre que dans le reste de la ville. Des personnes agées sont décédées peu aprés , sans raisons apparentes. Les vieilles maisons du Naveix , du Masgoulet , ont laissé la place à des réalisations municipales , le boulevard de ceinture de la ville passe à l'emplacement de l'auberge " la crotte de poule " comme pour effacer le passé et la mémoire de ceux qui ont vécu dans ces lieux.
Malgré notre télévision , notre frigo , notre salle de bain , sommes nous plus heureux aujourd'hui ?
Deux femmes dans la rue du Masgoulet avec une petite fille
Des enfants de Ponticauds posent devant l'objectif d'un photographe, en fait il s'agit de ma famille. Ils deviendrons plus tard mes Oncles et Tantes. Manque sur le cliché ma tante Jeanne,et pour cause, elle n'est pas encore née. On peut dater ce cliché en 1934 / 1935.
Presque tous les hommes valides travaillaient en usines , en majeure partie dans l'industrie porcelainière où ils occupaient pour la plupart des emplois trés durs. A cette époque où la cuisson de la porcelaine se faisait exclusivement au charbon , la conduite des fours était extrêmement pénible et usait vite un homme.
Comment s'étonner que les samedis et les dimanches soient employés aux activités de toutes sortes susceptibles de procurer une bonne détente. La rivière et le port du Naveix se prêtaient admirablement à cette fin .
Au Casseaux , le café tenu par la mére de Jean Gagnant , Martyr de la Résistance.
Le siége de l'amicale des Martins Pécheurs.
La caserne des bénédictins
Avenue des Bénédictins
Les Coutures : de gauche à droite , le lavoir , la maison du gérant , l'école maternelle. Avec les Coutures on n'est déjà plus Ponticauds, pourtant elles sont toutes proches des bords de Vienne. Les habitations n'ont plus rien à voir avec celles du quartier des ponts, le progrès y est présent.
En 1929 , ouverture aux Coutures des " galeries de la cité "
Le siège de cette FANFARE, se trouvait 2, rue Neuve Saint Etienne, Tel 32-28-65. Cette rue qui existe toujours se trouve dans le périmétre de la Cathédrale de Limoges. Philippe, mon cousin propriétaire de ce cliché, pense que son père, joueur de tambour, se trouve sur la photographie.
Mercerie chez " BALLOU ? " En 1937 , les patrons et les voisins rassemblés.
Allez un dernier tour dans le quartier, Bientôt il ne restera plus que de vieilles photographies jaunies par le temps, témoins d'une époque révolue.